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Tiken Jah Fakoly : « on veut le premier paradis ici-bas, le deuxième on verra »
© Youri Lenquette

Tiken Jah Fakoly : « on veut le premier paradis ici‑bas, le deuxième on verra »

Le reggaeman ivoirien de naissance, malien d’adoption, panafricain de vocation a sorti son onzième album international, Braquage de pouvoir. L’actualité y est comme toujours présente, alors PAM a fait avec lui le tour de la question. Interview.

30 ans après Djeli, son tout premier album sorti en cassette en Côte d’Ivoire, Tiken Jah Fakoly fait paraître un nouvel album dont le titre, Braquage de pouvoir, annonce d’emblée la couleur : il est resté fidèle à lui même, et la situation du continent africain demeure au coeur de ses préoccupations. Enregistré dans son studio d’Abidjan, le « descendant de Fakoly » évoque ainsi – entre autres – la situation des enfants abandonnés (« Enfants de la rue », en duo avec Grand Corps Malade), les dangers des routes de l’immigration « Où est-ce que tu vas ? » les successions dynastiques en Afrique (« Braquage de pouvoir ») ou encore les dirigeants qui s’éternisent au pouvoir (« Gouvernement 20 ans »). Et pour contrebalancer les dures réalités, il a décidé encore une fois d’introduire des chansons positives, optimistes, qui disent aussi tout l’avenir d’un continent jeune qui prend confiance en ses propres forces (« Beau continent » avec Dub Inc, « Don’t Worry » avec Amadou et Mariam). 

Certes, avec le temps et l’éloignement de son pays natal, l’actualité de la Côte d’Ivoire s’est estompée dans ces nouvelles chansons, au profit des grandes lames de fond qui traversent l’Afrique et le monde. Le temps du « Caméléon », cette chanson qui réagissait directement au coup d’état du général Robert Guéï en Côte d’Ivoire, ou celui de « Ma Côte d’Ivoire » qui pleurait son pays encore en guerre, paraît révolu. Sans doute aussi parce que le pays de Félix Houphouët-Boigny s’est stabilisé, et que les positions critiques de Tiken Jah, quand elles ne s’expriment pas en chansons, sont développées dans les interviews qu’il accorde (comme celle que vous vous apprêtez à lire). Démocratie, relations France-Mali, place de la religion, syndrome du 3ème mandat… pour celui qui milite en chantant, de la chanson à la réflexion il n’y a qu’un pas, et vice versa. Lisez plutôt.

Tiken Jah, tu es en pleine tournée, c’est la sortie de ton disque, le rythme est speed. C’est pas difficile de quitter la ferme qui est devenue un peu ton refuge ?

Oui effectivement, après 30 ans de carrière c’est bon d’avoir un endroit où aller se ressourcer. Avant j’allais me ressourcer dans mon village dans le Nord de la Côte d’Ivoire mais maintenant j’ai trouvé un endroit à 45 km de Bamako où je vais m’asseoir pour me ressourcer avec mes animaux : des autruches, des biches, des antilopes, des grues royales et ça me fait plaisir de les voir. J’aime bien ça, à cause de mon côté rasta qui est très attaché à la nature. C’est important de se ressourcer, ça donne de l’énergie et de l’inspiration.

Qu’est ce qui a changé chez Tiken Jah entre Djeli, ton premier album paru en 1993, et le Tiken Jah de Braquage de pouvoir, 30 ans plus tard ?   

Ce qui a changé c’est que j’ai plus de sagesse aujourd’hui, à l’époque j’avais pas de place pour la sagesse, il fallait se battre et sortir du ghetto, maintenant je suis plus calme… j’ai 54 ans et je dis les choses d’une autre manière que quand j’avais 20 ou 25 ans. Mais notre combat au niveau de la jeunesse africaine a porté ses fruits, renforcé par les réseaux sociaux car les jeunes peuvent s’exprimer, prendre la parole, donner leur vision des choses.

Les réseaux sont à double tranchant aussi : ils permettent de s’exprimer mais sont facilement manipulables.

Oui c’est à double tranchant et c’est dommage, car ça aurait dû être une aubaine pour nous, un outil pour rassembler dans les combats et malheureusement ils sont souvent utilisés aujourd’hui pour s’insulter, pour s’acharner sur des gens. Ça devrait être un outil pour nous, comparé à nos parents qui n’avaient pas été à l’école, qui n’avaient pas accès aux infos sur la politique internationale. Aujourd’hui, on a nos télés pour dire ce qu’on pense. C’est ce qui nous a manqué par le passé, pour nous réunir, dénoncer des choses ensembles. Il faut garder le côté positif des réseaux et sensibiliser sur le côté négatif.

« Braquage de pouvoir » c’est le titre d’un des morceaux, tu l’as aussi choisi pour titre de l’album. Pourquoi ? 

Le titre je l’ai pris comme emblème de l’album parce que le braquage est d’actualité. Tout le monde sait que le pouvoir a été braqué au Togo, au Gabon, qu’il vient de l’être au Tchad avec une soixantaine de morts, et il est en cours de braquage en Guinée Equatoriale, au Cameroun… c’est un sujet d’actualité. Le combat pour la démocratie, la liberté de choisir son candidat, la liberté même de penser a été menée dans les années 90 par nos parents qui pensaient que cette prise de pouvoir par le peuple devait être quelque chose de positif. Et même si beaucoup d’entre nous pensent que la démocratie occidentale n’est pas forcément adaptée, le côté positif c’est qu’elle nous donne la parole, nous donne la possibilité de choisir nos dirigeants, de nous rassembler. Or aujourd’hui cette démocratie elle est combattue, c’est comme si les gens qui sont morts pour elle dans les années 90 étaient morts pour rien, et vous verrez que les dirigeants qui piétinent la démocratie aujourd’hui sont des dirigeants qui sont arrivés là grâce à la démocratie, sinon ils ne seraient pas là. Donc ce titre « Braquage de pouvoir » c’était pour dénoncer ça, et attirer l’attention de la jeunesse africaine pour dire qu’ils sont en train de nous proposer le népotisme et même, la « famille-cratie », à la place de la démocratie… Et il faut faire attention, pour ne pas que la « famille-cratie » prenne le dessus sur la démocratie.

Puisque tu parles de retour en arrière, les militaires sont de retour au pouvoir dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest…

C’est un recul, car on pensait que les coups d’état c’était fini, mais s’il y a eu ces coups c’est aussi parce que ceux qui ont été élus ont piétiné la démocratie, et c’est ce qui fait qu’il y a des coups d’état, que nous ne soutenons pas, car la place des militaires est dans les casernes. Mais la réalité est là, au Mali Ibrahim Boubacar Keita a été élu (en 2013, et renversé en 2020, NDLR), mais c’est son fils qui dirigeait le pays finalement avec toutes les conneries qui vont avec, en Guinée Alpha Condé a été élu (en 2010, et renversé en 2021), lui qui se faisait appeler le Mandela de Guinée est venu piétiner la démocratie. Donc ça a été un peu un rappel à l’ordre dans tous ces pays, mais le cas du Mali c’est aussi un exemple d’incapacité à gérer la situation de guerre : quand il y a des jeunes qui meurent au front et qu’il n’y a aucune victoire, ça pousse les gens à faire des choses. Pour moi ce sont des situations de réparation et ce que je souhaite, c’est que ces militaires organisent des élections rapidement, qu’ils repartent dans les casernes, que les civils reviennent au pouvoir et que les institutions soient en place, qu’elle soient respectées, et même si la démocratie occidentale nous a été imposée difficilement, on peut en garder les acquis : la liberté d’expression, le multipartisme, la liberté de choisir, mais on doit trouver une démocratie qui va avec notre manière de faire les choses, en gardant le squelette de la démocratie, qui est le principe du pouvoir du peuple par le peuple.

L’armée française, à la demande des autorités maliennes, s’est retirée du Mali. Qu’en penses-tu ? 

Toute action qui nous permet de nous décoloniser est bonne à prendre, car personne n’aime autant le Mali que les Maliens. Au Mali, on est en train de tester quelque chose. A ceux qui disent : « oui mais les mercenaires russes alors ? » Rappelez vous Bob Denard, le mercenariat n’a pas commencé par la Russie. Que le Mali réactive ses liens privilégiés depuis 1960 avec la Russie, c’est quelque chose de positif. Car depuis les années 60 jusqu’à récemment, la France restait le maître. Aujourd’hui le Mali est une boutique et a le droit d’accepter les clients qu’il veut, et que le Mali ait des relations avec la Chine, la Russie, le Japon, les Etats Unis et parle avec celui qui veut, c’est extraordinaire. Ça a été un souci pour les dirigeants des indépendances : est-ce que si je travaille avec la Russie je vais pas me faire éjecter ? Il y avait Jacques Foccart et l’armée française pour régler ce problème. Le Mali est un laboratoire pour anéantir le système Foccart. Et s’il réussit, son exemple sera suivi, voilà pourquoi il sera combattu, pour ne pas faire tâche d’huile. Pour revenir au départ de l’armée française, pour moi depuis 2013 jusqu’en 2022 on a des résultats pas fameux, et il y avait toujours des terroristes malgré toutes les technologies dont elle dispose pour voir les mouvements au Mali. Pour nous le départ de la France du Mali c’est une aventure, mais une aventure à tenter.

Quant au fait que la France soit accusée : on a mal quand on voit les dégâts que Nicolas Sarkozy a faits au Sahel, et qu’on le voit tranquille en France avec des procès toujours reportés… car la justice française dans ces cas-là ne fait que reporter les procès jusqu’à la mort des gars, c’est comme ça que Jacques Chirac y a échappé, que Charles Pasqua y a échappé. Or pour nous c’est Nicolas Sarkozy le responsable, car on pense qu’il y a eu un règlement de compte avec Mouammar Kadhafi. Pour nous c’est la France qui a foutu le bordel. Et donc je pense que les Maliens ont raison de dire à la France de partir, et de prendre leur destin en main.

Tu viens de sortir le clip du titre « Religion », qui dénonce ceux qui tuent au nom de Dieu. Pourquoi as-tu tenu à aborder ce sujet-là ?

J’ai vu comment certains salissent l’image de la religion. Moi je suis d’éducation musulmane, mais la religion dont on m’a parlé est une religion d’amour, qui rapproche les communautés, qui nous demande de nous conduire très bien, de ne pas ôter la vie à quelqu’un. Quand je vois des gens qui au nom de Dieu font des veuves, des orphelins, endeuillent les familles… ça me fait mal au cœur. Donc j’avais besoin de m’exprimer là-dessus, tout en sachant que c’est un sujet très sensible car j’ai demandé à beaucoup d’artistes de m’accompagner, et beaucoup m’ont dit poliment : « est-ce que tu peux me proposer un autre titre ? » D’autres, courageux, m’ont donné des réponses honnêtes : « les gens sont fous ici, je peux pas prendre le risque ».

Mais je voulais m’exprimer là-dessus, j’ai été choqué par l’histoire du Bataclan, par l’attentat qui a eu lieu à Bamako au Bla Bla, et on m’a raconté que 5 minutes avant l’attentat, l’artiste qui se produisait là bas jouait « Plus rien ne m’étonne » (chanson de Tiken Jah Fakoly parue en 2004, NDLR).
Pour moi c’est déplorable qu’on puisse donner cette image, pas seulement de la religion musulmane, car en Irlande du Nord protestants et catholiques en guerre ont jeté des bombes, tué des innocents. Ça mélangeait religion et politique et pour moi c’était important de dire ça, en espérant qu’un jeune va écouter et ne pas être tenté… même si je sais que les raisons c’est la pauvreté, l’incapacité des dirigeants à faire rêver ces jeunes qui les amènent dans ces situations. Mais tuer ne peut jamais être une option.

L’Afrique de l’Ouest a longtemps eu sa propre manière de pratiquer l’islam, organisé autour des confréries, mais une autre vision plus rigoriste et littérale, venue d’Arabie Saoudite, a largement gagné du terrain depuis quelques décennies. Que penses-tu de cette évolution ?

Cette vision (ouest-africaine, NDLR) de l’islam, c’est avec ça qu’on a grandi, faite de tolérance. Mais il y avait des intox qui parvenaient jusque dans mon village. Par exemple chez moi quand j’étais petit c’était interdit de jouer au foot, jusqu’à ce que mes parents voient que l’Arabie Saoudite jouait la coupe du monde ! Y’avait aussi des discours, « si ton fils ou ta fille refuse de prier faut les foutre à la porte… » Il y avait beaucoup de trucs durs comme ça, mais qu’on prenait avec philosophie à l’époque, et qui aujourd’hui s’avèrent des exagérations. Chez nous, il y avait un bon esprit dans la religion à l’époque, ça apaisait, ça poussait tout le monde à se comporter de manière plus droite, mais il y avait beaucoup de tolérance, et l’essentiel c’était l’amour qu’il y avait dans la religion. Ça n’existe presque plus, car le matériel est beaucoup rentré dedans. Et en réalité la religion devient un problème pour l’Afrique aujourd’hui car l’exagération trop forte de la religion est un frein à notre évolution. Parce que nous on lutte pour dire aux Africains « battons nous pour avoir le premier paradis ici, après on verra pour l’autre », car personne n’est venu avec une lettre ou un courrier pour dire comment ça se passe là-bas.

Par contre, ce qu’on sait c’est que les leaders religieux qu’on voit sont déjà dans le premier paradis, et font la course aux 4×4 et au bling-bling : les marabouts et pasteurs sont dans le luxe aujourd’hui. Dans certaines églises d’Abidjan, les bénédictions sont vendues à 10.000 (FCFA), y’en a à 20.000, à 1 million etc… les leaders religieux sont dans un luxe pas possible, alors que ceux qui les suivent crèvent dans la galère. Donc ces pauvres gens doivent se dire : si on cotise pas il meurt de faim, alors qu’est-ce qu’il peut faire pour nous qu’il n’a pu faire pour lui même ?

Je suis d’éducation musulmane, je crois en Dieu, mais je crois que la religion est un problème aujourd’hui. Il n’y a qu’à regarder dans l’histoire de la France pour voir comment il a fallu en finir avec la religion pour prendre d’autres chemins, parce que le peuple a compris certaines choses. Nous Africains, si on veut avoir le premier paradis, il va falloir qu’on diminue la dose de la religion. Parce que nous, le premier paradis qu’on demande c’est l’eau et l’électricité, l’éducation, la santé, les emplois pour les jeunes .Mais tu sais quand j’étais au village, la maman était obligée de se lever tôt le matin pour chauffer l’eau. Et on nous disait qu’au paradis, on n’a pas besoin de chauffer l’eau. Là-bas tu ouvres un robinet et l’eau chaude sort, l’autre robinet l’eau froide sort. Et la première fois que je suis arrivé à Paris j’ai ouvert le robinet j’ai dit « oh, c’est incroyable »(rires) ! donc ce premier paradis, nos leaders religieux l’ont déjà, qu’on nous permette d’avoir déjà ça. Il n’est pas compliqué, on ne demande pas que tout le monde soit riche, mais la base. Après le reste on verra. Et c’est ce premier paradis qu’on risque de ne pas avoir si on se contente d’attendre le deuxième.

Dans la chanson « Gouvernement 20 ans » tu dis  « la folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre un résultat différent », explique nous comment ça s’applique ? 

Je ne sais plus quel philosophe a dit ça, mais l’histoire de la Côte d’Ivoire nous démontre que quand quelqu’un est rejeté, victime d’injustice ou d’acharnement, il a des chances d’être président. On a vu Alassane Ouattara (président depuis 2011) qui a vécu tout mais qui est devenu président, de Laurent Gbagbo (président entre 2000 et 2011) qui a tout connu et qui est devenu président, Robert Guéï (président de decémbre 1999 à octobre 2000)…. tout ce qu’on a connu en Côte d’Ivoire, et pourtant on refait la même chose, et alors on ne peut pas s’attendre à un résultat différent. Je ne soutiens personne, mais mon devoir c’est de dénoncer les injustices. Aujourd’hui en Afrique, des leaders d’opinion, des dirigeants politiques sont condamnés à 20 ans de prison pour des délits d’opinion : pour moi c’est une exagération incroyable. Que ce soit au Togo, au Bénin ou en Côte d’Ivoire, si ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui avaient été dans l’opposition, j’aurais dénoncé de la même manière. 

Que dit-elle la chanson « Farana », qui a pris les habits du ska ?

Il y a beaucoup de personnes qui m’attaquent aujourd’hui, qui disent beaucoup de choses sur moi, mais je suis ce que je suis, c’est ce qui était prévu pour moi. Si je suis en accord avec le combat que je mène, si je sais que je ne suis pas corrompu, si je peux me regarder dans un miroir alors pour moi c’est l’essentiel, les gens peuvent parler et dire ce qu’ils pensent, et qu’ils me laissent chanter. Devant l’histoire, j’ai fait ce que je pouvais. J’ai été le premier à me lever contre le 3ème mandat*, mais je ne suis pas un chien qui aboie partout dès qu’il y a un bruit, je suis un humain qui doit réfléchir. Et donc quand la situation du 3ème mandat est arrivée en Côte d’Ivoire, j’ai pensé aux turbulences que le pays a connues. Aujourd’hui on a une certaine stabilité, le pays a décollé même s’il y a des choses à reprocher aux dirigeants, des choses qu’il faut dénoncer, et c’est ce que je continue à faire… mais pour moi il fallait pas que le pays retombe dans l’instabilité, et il était hors de question pour moi de rester dans mon salon à Bamako et d’appeler les enfants des gens à aller se faire tuer. Parce qu’on a déjà 3000 personnes au compteur, qu’on a déjà mangées d’ailleurs parce que quand je vois les Ivoiriens incapables de dire à Bédié, Ouattara ou Gbagbo de ne pas se représenter, je dis « les Ivoiriens sont des sorciers, ils aiment manger ». 3000 personnes qui meurent pendant une crise post-électorale et douze ans après, il n’y a même pas un petit monument en leur mémoire. C’est comme s’ils étaient morts pour rien, comme si on avait oublié, donc on veut faire « match-retour » (revanche, NDLR).

Donc nous sommes des sorciers, on a mangé 3000 personnes en 2010 et même avant 2010, la rébellion, les élections en 2000… aujourd’hui le nuage est là, la pluie se prépare, mais on est incapables de dire non, on ne veut pas que ces trois-là s’affrontent encore. On ne peut pas faire replonger aujourd’hui ce pays qui a pris son envol. Bien sûr il y a des injustices à dénoncer : et je l’ai fait sous Houphouët, sous Bédié, sous Gbagbo, et sous Ouattara. Je pense être un des artistes qui a le plus critiqué le régime Ouattara, mais malgré ça je me fais taper dessus, parce qu’on considère que je suis de la même région que Ouattara, et donc que je tape moins dur pour ça. Quand tu penses à certaines chansons que j’ai faites, aux interviews que j’ai données, y’a même un journal proche du parti au pouvoir qui m’a traité de fou! Malgré ça, on me dit que je tape pas assez dur. Bob Marley n’aurait pas pris une balle si les partis n’avaient pas chacun voulu tirer la couverture à eux. Et puis aujourd’hui, même si tu fais revenir Jésus ou Mahomet, les gens vont le critiquer…

Sur les réseaux… 

Sur les réseaux ! Donc c’est pas moi, un simple artiste humain, qui vais échapper aux critiques.

Une autre chanson chantée en malinké s’appelle « Mansa ». Mansa, c’est le roi ?

Mansa c’est le roi, et dans la chanson je parle des créatures de Dieu. Je suis pas à fond dans les religions, mais ça ne m’empêche pas d’être croyant. Quand je regarde le ciel, la terre, les arbres… comment c’est beau, comment on a été fabriqués nous les humains, commeon est beaux, je regarde le design des poissons, des lions, quand je regarde comment la nature est magnifique, comment elle fonctionne, comment les abeilles vont butiner les fleurs pour en faire du miel… quand je vois tout ce système je me dis : Dieu est fort. Je chante sa force et la beauté de toutes ses créatures dans « Mansa », et pour moi on n’a pas besoin de passer par une religion pour voir que Dieu existe, parce qu’il a créé tout ça… le gars il est fort quoi !

C’est pour ça que t’es créé ce petit jardin d’Éden dans ta ferme malienne ?

Oui, ça correspond à ça. La nature m’inspire. Je pense que quand je serai là-haut, je trouverai encore magnifique tout ce qui se passe sur la Terre, je serai en train de me reposer donc j’aurais plus de temps je crois… (rires)

© Nicolas Baghir


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